Années autodidactes (Luna, février 2020)

Cette aventure commença pour moi au printemps 2017. J’étais en première du collège à Genève, l’année s’était bien passé, et pourtant l’idée de quitter l’institut m’est venue à l’esprit.

Avant cela, j’avais passé sept ans dans l’école Rudolph Steiner de Genève, école à la pédagogie particulière, basée sur l’art dans toutes ses formes, et ayant une vision du développement de l’enfant très différente des autres écoles. J’ai beaucoup aimé cette école petite, et au fur et à mesure des années, j’ai commencé à me sentir un peu à l’étroit dans une classe que je suivais depuis mes sept ans. Je ne trouvais plus mon compte dans les échanges humains, les cours ne convenaient plus autant et surtout j’avais besoin de changement. Le collège m’apparaissait alors déjà comme une révolution. Passer d’une école avec une classe par niveau au collège rassemblant des centaines d’élèves sur quatre ans, c’était rentrer dans un monde nouveau, voir plus loin et refaire mes horizons de par les multiples rencontres possibles. Mon choix à l’époque fut également déterminé par la possibilité, qu’offraient les collèges publics de suivre une voie musique/étude, des cours aux horaires aménagés pour permettre une plus grande pratique de son instrument, j’étais séduite !

L’année passée là-bas m’a fait beaucoup de bien, j’ai pu prendre un nouveaux départ avec des personnes qui ne me connaissaient pas depuis ma petite enfance, j’ai découvert une nouvelle façon de donner les cours, et un tout petit peu plus de responsabilité. Car si le discours des professeurs les premiers jours nous disait qu’à partir de cette année le mot d’ordre serait autonomie, j’ai vite constaté par la suite que dans les faits ils étaient toujours sur notre dos..

Ce point m’a vite déplu. J’ai toujours aimé étudier, mais à ma façon. Pour moi, être autonome c’était également avoir la possibilité de ne pas aller aux cours où je n’estimais pas ma présence indispensable et travailler chez moi ; or cela nous était bien sûr interdit. L’année terminée, j’ai annoncé mon départ à la surprise des professeurs qui, entendant mon désir de finir mes études à la maison, m’ont répondu « L’école à la maison, tiens c’est étrange, ça n’est plus trop à la mode ! », car bien évidement, c’était la raison ultime de ma prise de décision.

Je me lançais seule dans un univers trop peu connu et qui me semblait vide. Refusant de suivre des cours par correspondance qui à mon goût reproduisaient le contrôle que j’avais fuis au collège, j’étais déterminée à étudier complètement seule. Et puis ma mère a entendu parler d’un groupe d’étudiants autodidactes qui se préparaient à la maturité fédérale, formé par un certain Guido Albertelli, lui-même ancien professeur du gymnase. Il m’a suffit d’un mercredi matin pour savoir que si je le pouvais, c’est dans ce lieu et avec ces personnes que je souhaitais entreprendre l’aventure. J’y suis arrivée en été 2017 et j’ai terminé ma maturité en février 2020. Plus de deux ans de partage avec le groupe, et cela m’a forgée.

Je suis arrivée introvertie et peu confiante en ma personne, d’une timidité maladive. La richesse que recèlent les échanges de ces rendez-vous hebdomadaires m’a soignée de tout cela (et la vie de son côté bien sûr), mais bien plus également : j’ai découvert qu’il était possible de trouver de l’intérêt réel dans des discussions entre jeunes et surtout de ne pas parler de tout et rien, j’ai fait l’expérience d’un endroit où pratiquement tout peut être dit- silence y compris – sans peur et sans jugement. J’ai réalisé que les liens forgés étaient extrêmement puissants malgré le fait que l’on ne se retrouve qu’une fois par semaine, tant ce que l’on partage ce jour-là va au-delà de la très grande partie de ce que l’on dit à d’autres personnes que l’on voit tous les jours. J’ai reçu de l’amour et du soutien dans les moments où j’en avais besoin, et j’ai pu donner à mon tour ce que j’apprenais avec le temps. J’ai beaucoup appris sur les interactions sociales, sur la communication, sur l’essentialité de la confiance et de l’écoute bienveillante. J’ai peu travaillé sur la matière stricte des branches de la maturité en ce lieu, mais j’ai travaillé sur tout le reste. Les divers formes de mercredi matin que nous proposait Guido m’ont fait affiner mes réflexions, nettoyer mon esprit et offert de nouveaux points de vue sur la vie. J’ai appris à vivre mieux pour résumer, et c’est un bagage qu’il est, sans équivoque, cent fois plus important d’avoir pour le futur que des connaissances en histoire, géographie ou mathématiques. Je suis heureuse du chemin que j’ai parcouru ces dernières années et qui m’a amené à être celle que je suis aujourd’hui ; je ne peux nullement démêler l’entrelacs d’événements qui m’y ont conduite, mais je sais en revanche que Matu en liberté, puis Matu en liberté et Marre de café sont une grande part de cela.

 

Je pense que c’est une possibilité qui mène les gens qui y sont prêts plus loin en eux-mêmes, et dans une conscience réelle du monde, et je ne pourrais qu’encourager quiconque hésiterait sur le chemin à prendre de se jeter dans cette aventure. Pour ces années merveilleuses, Merci mille fois Guido d’avoir créé ce paradis. Merci Thibault, Robin et Nivard pour votre accueil mon premier jour et pour tous les autres qui l’ont suivi. Merci Melinda, Eliot, Naïm, Océane, Lou, Paulin, Alan, Emma, Oliver, Fédérico, Murielle, Yasmina, Noé, Bryan, Kira, Thomas, Yi-an, Martin, Louis, Auriana, Jonathan, Thimoty, Johan, Alicia, Elodie (j’espère que tous sont là) pour ce que vous avez apporté au groupe, et ce que vous m’avez apporté. Tout restera dans mon coeur et ma mémoire et j’espère que nombreux seront encore ceux qui auront la chance de faire partie de ce monde merveilleux!